Écriture inclusive : le Sénat examine son interdiction, Macron appelle à « ne pas céder aux airs du temps »

Modes d’emploi, contrats de travail, règlements intérieurs d’entreprises ou encore actes juridiques rédigés en écriture inclusive seraient alors considérés comme irrecevables ou nuls si la mesure venait à être appliquée.

Les sénateurs demandent l’interdiction des mots grammaticaux constituant des néologismes tels que « iel », une contraction de « il » et « elle », ou « celleux », contraction de « celles » et « ceux ». DR
Les sénateurs demandent l’interdiction des mots grammaticaux constituant des néologismes tels que « iel », une contraction de « il » et « elle », ou « celleux », contraction de « celles » et « ceux ». DR

Débats houleux en perspective : à l’initiative de la droite, les sénateurs examinent ce lundi soir une proposition de loi visant à « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive ». Un texte jugé « rétrograde » par la gauche.

Lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française dans le château restauré de Villers-Cotterêts à la mi-journée, le président de la République Emmanuel Macron a appelé à « ne pas céder aux airs du temps », à propos de l’écriture inclusive. « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets ou des choses pour le rendre visible », a déclaré le chef de l’État ».

Ce hasard du calendrier donne un certain écho aux travaux du Sénat : le texte de la sénatrice (Les Républicains) Pascale Gruny prévoit en effet de bannir l’écriture inclusive « dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir réglementaire) exige un document en français ».

Un large panel est visé : les modes d’emploi, les contrats de travail, les règlements intérieurs d’entreprises, mais aussi les actes juridiques, qui seraient alors considérés comme irrecevables ou nuls si la mesure venait à être appliquée. Les sénateurs demandent l’interdiction des mots grammaticaux constituant des néologismes tels que « iel », une contraction de « il » et « elle », ou « celleux », contraction de « celles » et « ceux ».

VIDÉO. Tout comprendre sur l’écriture inclusive

La proposition de loi prévoit aussi d’inscrire l’interdiction de l’écriture inclusive dans le code de l’éducation, alors que son utilisation est déjà proscrite à l’école par une circulaire de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer en 2021.

« Un texte réactionnaire », juge la gauche

« C’est une pratique qui est justement contraire à l’inclusion, plaide le rapporteur Cédric Vial auprès de l’AFP. C’est une contrainte supplémentaire pour les personnes en situation de handicap et d’illettrisme, ou atteintes de dyslexie. Pour inclure, il faut au contraire simplifier la langue. »

Pour le rapporteur, il n’y a par exemple « pas de problème » avec la déclinaison féminine d’un mot, comme « les sénateurs et les sénatrices » au lieu de « les sénateurs ». En revanche, le point médian, comme dans « sénateur.rice.s », est clairement visé.

Adopté et même renforcé en commission ce mercredi, le texte suscite l’indignation d’une partie de la gauche. « C’est un texte inconstitutionnel, rétrograde et réactionnaire, qui s’inscrit dans un courant conservateur de longue date de lutte contre la visibilisation des femmes », s’offusque le sénateur socialiste Yan Chantrel.



« Péril mortel »

Qualifiée de « péril mortel » par l’Académie française, outil de lutte contre les inégalités femmes-hommes pour ses défenseurs, l’écriture « dite inclusive » désigne selon l’autrice du texte « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à introduire des mots grammaticaux constituant des néologismes ou à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ».

La proposition de loi a de bonnes chances d’aboutir à une adoption compte tenu de la domination de la droite et du centre à la chambre haute, ce qui serait une première au Parlement. Mais rien n’assure qu’elle sera reprise ensuite par l’Assemblée.